La première et merveilleuse histoire d'Amour du monde

Chapitre V - L'adolescence 1 ère partie

Première partie

Extrait - page 78 – 79

Cette année de scolarité fut fertile en événements dans ma vie familiale et personnelle. Courant 1949, l'état de santé de maman s'aggravant et aucun traitement de l'ayant amélioré jusqu'ici, le médecin dit “de famille” s'avisa enfin de lui faire passer une radioscopie, s'en étant fait installer une récemment à son cabinet médical. Grande fut sa surprise de l'état pulmonaire qu'il constata : une caverne s'était constituée ! Il se confondit en plates excuses de n'avoir pas pensé plus tôt à cette possibilité, qui, pour un homme averti de la pleurésie faite par maman dans le courant des années trente, aurait dû lui venir à l'esprit comme une quasi certitude ! Tout le mal venait des poumons : fièvre basse mais persistante, suées fréquentes, fatigue, toux sèche. Les résultats des tomographies, et des analyses complémentaires, confirmèrent rapidement le diagnostique tardif. Bacillaire, maman dut prendre pendant des mois des précautions pour ne pas nous contaminer. Je crois me souvenir qu'elle fut traitée par des injections de streptomycine, mais que les résultats n'étant pas concluants, le médecin lui conseilla de faire une cure en sanatorium. Ce qui se décida à l'automne 49.

Dans l'état lamentable où elle était, maman prit le train toute seule jusqu'à Dijon, puis le car pour se rendre au sanatorium de la Trouaude.

Lorsque les médecins l'examinèrent à son arrivée, ils dirent gravement qu'il avait été criminel de la laisser arriver à ce stade de la maladie et lui expliquèrent qu'il était urgent d'opérer un décollement de la plèvre. Maman, on le comprend aisément, était catastrophée et désemparée loin de toute famille. Papa très ennuyé, dit : “Qu'elle se fasse opérer”... et ne proposa même pas l'aller sur place pour la réconforter ! La maman de Julien, le fiancé de ma sœur, avança l'argent du voyage à Julienne. Papa ne fit pas un geste dans ce sens quand cette dernière déclara avec juste raison, qu'elle ne pouvait laisser maman seule au moment de l'intervention chirurgicale, dont finalement nous pouvions redouter l'issue fatale, étant donné le retard apporté à traiter son cas. Cette jeune fille de vingt et un ans partie les larmes dans les yeux pour soutenir notre maman, pour qu'elle ne se sentit pas abandonnée et ne se laisse pas mourir de chagrin.

J'étais révoltée par l'attitude de notre père. Mais je n'avais aucun moyen de lui faire entendre raison. Parce qu'il avait mauvaise conscience et qu'il était têtu, il ne reviendrait pas sur sa décision de ne pas y aller. Il avait horreur de la maladie et savait fort bien que le chagrin causé par lui-même, avait contribué largement à l'état de santé de maman, mais il ne voulait surtout pas en convenir !

Extrait – page 83 – 84

Le jeudi j'allais visiter ma grand-mère paternelle qui était hospitalisée à Saint- Antoine, assez loin de notre quartier. C'était un véritable crève-cœur pour moi de la voir séjourner dans ce lieu. Situé sous les combles mansardés de ce vieil hôpital, le service gériatrique où elle survivait, était un lieu horrible. Une âcre odeur faite, de relents d'urine, de médications, de vieux mal entretenus, emplissait ces lieux et vous soulevait le cœur dès l'entrée. La plupart des vieillards étaient maintenue dans le lit par des planches pour les empêcher, d'en descendre à tout moment avec ou sans raison, et de fureter à droite et à gauche ou d'en tomber tout bonnement, comme se fut le cas pour ma grand-mère, qui n'était pas encadrée de la sorte les premières semaines de son admission.

Bien qu'elle perdit la tête, grand-mère si coquette toute sa vie et se soignant la peau du visage qu'elle garda longtemps fraîche comme pétale de rose, souffrait du manque de toilette soignée. Quand je la visitais, je lui frictionnais les cheveux à l'eau de Cologne et la coiffais un peu, lui coupais les ongles de pieds et limais ceux des mains, tous ces petits services que les infirmières, surchargées de travail, n'avaient pas le temps de faire, et que grand-mère ne voulait accepter que de moi-même d'ailleurs.

J'avais quinze ans à cette période si pénible de sa vie finissant si tristement, et je me rendais à l'hôpital, seule, un jeudi sur deux, parfois tous les jeudis. Je dois reconnaître que je le faisais d'autant plus volontiers, que papa ne voulait pas y aller, cela l'impressionnait trop et il n'aimait pas côtoyer la maladie, avouait-il. J'avais le cœur serré avant et après et gardais mes larmes à fleur de paupières quand j'entendais ma grand-mère se plaindre que ses voisines lui volaient tout ce que nous lui apportions, était-ce vrai ? Comme elle n'avait plus toute sa tête, il y avait le bénéfice du doute envers les pauvres voisines qui n'étaient pas dans de meilleur état qu'elle-même et n'avaient souvent, même pas le réconfort de visites familiales. Cette situation chevaucha les années 1950-1951.

Extrait – page 85 – 86

Cette année-là, papa m'amenait au cinéma du quartier, le Danube, presque tous les mercredis soirs, c'était sa contribution à mon “éducation”, ma seule distraction et également l'unique et rare moment de proximité et d'éventuel dialogue avec lui. En l'absence de maman, il était le plus souvent avec ses copains et sa maîtresse Thérèse C..., devenue sa secrétaire à la fonderie. Il estimait faire son devoir de père en me sortant un soir par semaine, quand le film n'était pas trop osé, encore qu'il fut assez mauvais juge dans ce domaine ! Le plus triste, bien que sachant pertinemment qu'il m'aimait à sa façon et que je garde le souvenir des tendres câlins de ma petite enfance, est, qu'il était difficile d'avoir un échange valable avec lui. Nous échangions quelques propos succincts sur ma scolarité, pour laquelle il me faisait confiance, parce qu'il voyait bien que je travaillais sérieusement sans avoir besoin que l'on m'y poussa.

J'aurais cependant aimé mieux le connaître et comprendre pourquoi notre foyer familial en était arrivé là, mais il écartait toute allusion à ce sujet. Évitant de parler de l'état de santé de maman, et de sa mère, n'étant, pas très fier de son comportement envers elles, il repoussait toute intrusion dans ses propres problèmes, lesquels étaient nombreux dans son activité relativement récente. Nous échangions seulement quelques commentaires sur le film en sortant du cinéma, le temps de regagner notre domicile. Malheureusement je n'ai gardé aucun souvenir marquant de ces têtes-à-têtes. J'ai souvent eu l'impression qu'il vivait à cent lieux de nous-mêmes, que ses grands centres d’intérêts étaient, la bonne chair, certaines femmes, les copains et les cartes, tout en consommant, tabac, apéritif, vin et alcool plus qu'il n'aurait fallu. De temps à autre, il semblait se souvenir de sa famille qu'il gâtait sans discernement quand il avait de l'argent, comme pour se faire pardonner. En réalité, je n'ai jamais eu l'impression d'avoir un vrai père ! De même, j'ai eu longtemps la sensation d'avoir une mère qui était submergée, hélas, la pauvre, par les problèmes d'un mari volage et dépensier à l'extérieur, dont elle était très amoureuse physiquement et donc jalouse à juste titre. Je suis plutôt restée introvertie, mais je crois que tout l'environnement de mon enfance et adolescence y a fortement contribué.

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Grape vine 1

Copyright by Micheline Schneider Le Brun - Extraits chapitre V - L'adolescence 1ère partie

"La première et merveilleuse histoire d'Amour du monde ou Hologrammes de deux VIES humaines pour des Entités Divines"

Date de dernière mise à jour : 16/06/2023