Chapitre VI - Travail - Famille _ Vacances
Extrait - pages 83 - 84 / 90 -91 * 94 - 95
Ne désirant pas paraître comme une “femme entretenue” aux yeux de mes enfants, de ceux d’Édouard et de ma famille, maintenant que j'avais fini les travaux dans la maison, je décidai de reprendre mon métier non pratiqué depuis dix-huit ans et de le remettre au goût du jour pour aider Édouard dans son activité qui se développait et qui nécessitait la tenue d'une comptabilité sérieuse. Dès la rentrée scolaire effectuée, je travaillais l'après-midi à l'élevage. Dans un premier temps aménageant le bureau et habillant ses murs d'une toile de jute à impression vieil or et orange qui les réchauffèrent. Ensuite nous y plaçâmes un meuble bureau double qui nous permit une activité commune. A fin septembre 1971 je commençais mon activité proprement dite avec l'aide d'un expert comptable qui me conseilla pour la mise en place de la comptabilité en partie double et l'achat du matériel nécessaire et me procura le plan comptable qui avait bien évolué depuis 1953 !
Cependant je travaillais bénévolement pendant cinq ans, ne voulant pas grever l'exploitation par des charges supplémentaires.
Les premiers mois, je m'arrangeais avec Justine qui habitait au Mesnil-Saint-Denis, pour que Sylvie, au sortir de l'école proche de chez elle, vienne jouer avec ses cousins en attendant mon retour. Il m'arrivait de rentrer de plus en plus tard, car être de retour pour seize heures trente, ne me laissait pas assez de temps pour tout le travail auquel j’avais à faire face. J'eus droit à une réflexion désobligeante par l'intermédiaire de ma fille ! Je cherchai donc une solution de rechange. Ce fut la sœur d’Édouard, Myriam qui m'indiqua sa voisine qui gardait des fillettes après l'école, en ayant une, approximativement du même âge. J'acceptais, ainsi Sylvie pouvait goûter, jouer et faire une partie de ses devoirs et je la prenais au passage en rentrant pour dix huit heures trente.
La maison était vaste et sa construction de base en poutre de chêne représentait beaucoup de bois à entretenir, en plus du reste du ménage. Je ne pouvais m'en occuper, faire les courses et être de plus en plus prise par mon activité, aussi engageâmes-nous une femme de ménage quelques matins. Maria était une jeune femme Portugaise, mariée et qui avait deux petites filles. Très brave et douce, je n'eus qu'à me louer de ses services. Heureusement car mes semaines étaient bien employées, devant également mener Sylvie chez le dentiste tous les jeudis matin à Trappes pour faire régler son appareil destiné à redresser les dents. Après quelques séances chez le psychologue, ce dernier constatait que les difficultés scolaires de Philippe venaient de la dyslexie et nous conseillait, un certain nombre de séances chez une spécialiste qui par chance habitait au Mesnil. Je l'y conduisais et l'allais rechercher au début, ensuite, il s'y rendit en vélo, allégeant ainsi mes horaires. Tous les trimestres, nous allions pour tous les deux, contrôler la progression de la correction de leurs semelles orthopédiques et ceci dès l'âge de quatre ans jusqu'à quatorze ans pour Sylvie et seize ans pour Philippe.
Édouard se donnait beaucoup de mal pour faire prospérer son élevage et la commercialisation du produit, et cela se concrétisait par des résultats. Le nombre des clients augmentait et je devais emporter le soir, ma boîte de comptes, pour mettre à jour les fiches individuelles des clients, de ce fait il m'arrivait fréquemment de finir mon travail vers minuit. Édouard, lui, regardait tranquillement la télévision dans son fauteuil, et était très frais à l'heure de se coucher et donc toujours aussi ardent. Mais moi-même qui avais peiné toute la soirée après avoir, dès mon retour de l'élevage et du bureau, supervisé les devoirs et les leçons des enfants, préparé le repas, dîner et ranger la cuisine, avant de me remettre au travail, je me sentais bien fatiguée. Je devenais nettement moins disponible tous les soirs, d'autant que pour notre plaisir commun, c'était à moi qu'incombait l’action ! ... Édouard s'insurgeait, se plaignant de mon indisponibilité, ayant aimé garder le même rythme que précédemment, ce qui l'amena à me dire un soir :
“Dire que j'ai tout quitté pour en arriver là !”
Puis voyant le regard sombre que je lui jetais, il ajoutait malicieusement : .
-“Heureusement que je me suis rendu compte que je t'aimais pour autre chose que faire l'amour !”
Ce qui ramena le sourire sur mes lèvres. Il avait oublié un instant que je prenais tout au pied de la lettre, n'ayant pas toujours le même humour que lui !
Courant 1973, Édouard commença des améliorations dans l'élevage qui comportait maintenant onze poulaillers de huit mille têtes chacun. Il fit installer un silo individuel pour chaque bâtiment et une chaîne de distribution pour l'alimentation des volailles. L'ensemble fut mis en conformité aux normes sanitaires et de sécurité, afin d'obtenir une production irréprochable, proche d'un label de qualité. Pour ce faire, il fallait envisager un abattoir moderne et sanitairement irrépréhensible, ce qui occasionnait de nouveaux emprunts et nécessitait donc de présenter un bon bilan pour les obtenir auprès des banques. Il fallait établir plans et devis pour étayer la demande. Édouard n'était jamais tant à son affaire que lorsqu'il mettait en œuvre un projet et il s'y employa activement avec la perspective de réalisation en 1974..
Nous avions fait le choix d'emmener nos trois filles en vacances à Argelès, cet été là. Ernest et Bertrand, comme l'année précédente, partirent en Angleterre et Philippe avec son cousin...
...Un petit incident m'amusa pendant ce séjour. Nous nous promenions le long de l'avenue qui borde de plus près la plage d'Argelès, Édouard très séducteur, comme toujours, à mes côtés. Je vis toute une famille, la grand-mère poussant le buggy d'un petit-enfant, le grand-père flanqué de ses trois fils, et sans doute une fille et une belle-fille, marchant de l'autre côté de l'avenue, et venant dans notre direction. Il me sembla que du plus loin qu'ils nous virent, ils se mirent à discuter en se poussant du coude, en regardant avec insistance dans notre direction. Plus ils progressaient, plus le ton montait et j'entendis :
- “Je te dis que c'est elle !” .
Lançait la grand-mère, une femme rondelette à l'aspect peu soigné, qui pouvait avoir la cinquantaine et dont la voix criarde évoquait l'accent des titis parisiens. .
- “Mais non, répondait l'un des fils, je te dis que c'est pas elle !”
- “Mais si !” .
- “Mais non !” .
Ils arrivèrent à notre hauteur et je vis la plus âgée des femmes, prête à fondre sur moi comme un oiseau de proie. Elle fit trois pas dans ma direction, je la regardais étonnée, parce que j'avais suivi leur manège, mais sans penser que nous étions véritablement concernés. Son regard vrilla le mien, elle me dévisagea, puis regagnant sa place au sein de sa famille, déclara, dépitée :
- “C'est pas elle !” .
Nous les avions dépassés, Édouard indifférent, n'ayant rien remarqué et moi-même perplexe, quand j'entendis l'un des fils lui répondre : . - “Je te l'avais bien dit que ce n'était pas BB !”
Je ris franchement et racontais l'histoire à Édouard... C'est vrai qu'à cette époque j'étais coiffée avec un chignon et des mèches claires mêlées à mes cheveux châtains et vêtue selon la mode. De ce souvenir, il me reste la sensation de ce qu'une personne publique peut ressentir lorsqu'elle est repérée par des fans : l'impression qu'elle va être dépecée !
Date de dernière mise à jour : 01/07/2025
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