Chapitre XIX - Où Dieu frappe à la porte
Extrait - pages 127 / 133 - 134
1977 fut également l'année où j'acquis une série d'œuvres de Pierre Teilhard de Chardin, proposée en dix volumes accompagnés d'un lexique, les termes employés par l'auteur n'étant pas toujours accessibles à l'humble lecteur. Édouard, lorsqu'il me vit commencer cette lecture de longue haleine, me mit au défit de le la lire jusqu'au bout, je l'assurais combien elle était enrichissante et comme j'aimerais que lui-même la lise. Ce à quoi il me répondit, qu'il le ferait si je menais mon entreprise à terme !
-Sortant de l'éducation traditionnelle chrétienne, de l'école religieuse et du catéchisme enseigné à l'après-guerre, lire Teilhard de Chardin fut un bain de jouvence. A la pensée ardue pour moi qui suis loin d'être une lumière, mais je sentis une vraie joie m'envahir lorsque je découvris les neuf premiers tomes, soit Le phénomène humain - L'apparition de l'homme - La vision du passé - Le milieu divin - L'avenir de l'homme - L'énergie humaine - L'activation de l'énergie - La place de l'homme dans la nature - Science et Christ. Si je m'arrêtais à ce stade, malgré le bonheur que me procurait cette lecture, c'est que dès février 1978, notre vie entra dans le début d'un nouveau chaos auquel je ferais référence plus loin.
Dépôt de bilan. C'est en février 1978 que les ennuis commencèrent à l'élevage.
Une forte mortalité dans le cheptel s'accentua malgré les vaccinations et soins accoutumés. Il semblait qu'un virus inconnu et ne possédant ni vaccin, ni antidote, se soit introduit en France, en provenance d'Amérique du sud, nous fut-il précisé quelques mois plus tard.
Les volailles survivantes dévoraient les quantités de nourriture habituelles, mais ne grossissaient pas suffisamment, et le poulet n'avait plus la belle allure traditionnelle qui avait commencé à faire sa renommée. Édouard dut acheter à l'extérieur, chaque semaine, un camion de gros poulets vifs, afin de pouvoir calibrer les commandes selon les désirs des clients. Il n'était pas toujours évident d'obtenir un animal de la qualité des nôtres, et cela occasionnait un mécontentement des clients, tout en nous grevant de frais supplémentaires qui augmentaient le prix de revient sans que nous puissions le répercuter. Les règlements de l'aliment étaient échéancés à quatre vingt dix jours et la coopérative qui nous servait dut patienter et accepter des décalages pour le paiement des traites, car les pertes s'accentuèrent de mois en mois !
Bertrand était rentré du service militaire qu'il avait effectué en Allemagne et travaillait avec nous depuis quelques mois comme chauffeur-livreur pour gagner sa vie. Il aurait préféré rester en Allemagne, le mode de vie lui plaisant, mais son père l'avait incité à reprendre ses études, ce dont il avait la capacité, tout en faisant ce travail certains jours de la semaine.
Les vols continuaient. Philippe et Bernard décidèrent de monter la garde plusieurs nuits pour essayer de percer ce mystère. Mais, comme un fait exprès, aucun vol ne se produisirent jamais ou ne furent constatés le lendemain matin de leurs présences nocturnes. L'explication nous vint enfin de la gendarmerie alertée depuis quelques mois et qui avait constaté qu'un des ouvriers portugais vendait de la marchandise en douce avec une complicité au conditionnement. Lorsque nous sûmes qui était affirmativement soupçonné, nous tombâmes de haut, car cette personne avait toute notre confiance et pour donner le change posait elle-même des cheveux de façon “invisible” en travers des portes des frigos, pour contrôler, soi-disant, si personne n'avait pénétré dedans la nuit. Édouard décida de renvoyer l'ouvrier fautif qui écoulait la marchandise, se disant que sans débouché, l'autre personne reviendrait à de meilleurs sentiments. Il était magnanime et choisit délibérément de ne pas lui indiquer que nous avions connaissance de ses agissements. A ce moment-là, il présumait déjà qu'à la cadence où la mortalité se précisait et les pertes de revenus se généralisaient, nous allions vers de tristes perspectives de cessation d'activité à plus où moins long terme et pensait, qu'après tout, puisqu'elle connaissait bien son métier, qu'au moins, elle le continue jusqu'à la fin…
Date de dernière mise à jour : 01/07/2025
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