Chapitre IX - Un homme à son balcon
Deuxième partie
Extrait – pages 217 - 218
Dès que la saison le permettait nous allions au jardin tous les jours. Migrant selon la chaleur du soleil, d'un coin à l'autre du parc et préférant l'un ou l'autre, des nombreux plateaux, selon leur exposition au soleil et leur protection du vent. En plein été nous retrouvions avec plaisir l'allée de mon enfance plus abritée et fraîche.
Maman venait fréquemment avec Philippe et moi-même et nous bavardions parfois de notre entourage qui variait précisément selon notre choix de lieu, certaines personnes venant toujours s'asseoir sur le même banc. Nous préférions notre indépendance et très souvent apportions nos pliants afin d'être libres de nos emplacements. Cependant, depuis quelques temps, nous remarquions un homme, encore jeune, qui s'installait sur un banc ou l'autre et fréquemment à proximité de nous qui aimions changer d'endroit. Maman disait :
-“C'est bizarre un homme si jeune qui ne travaille pas dans la journée !” Nous constations qu'il engageait parfois la conversation avec des mamans et s'intéressait aux enfants.
Ce fut un jour où je m'installais seule avec Philippe sur le petit plateau rond, qu'il m'aborda. Je n'avais pas pris de siège personnel ce jour-là, car nous avions emporté le tricycle en plus du seau et ses accessoires et du ballon. Mon fils se débrouillait bien sur son engin et prenait comme piste de vélodrome l'arrondit du lieu, pédalant avec énergie. Assis sur le banc voisin du mien, l'habitué du square regardait Philippe tourner avec intérêt et la conversation s'engagea sur lui naturellement quand il fit une chute sans gravité qui occasionna une petite égratignure que je nettoyais à l'eau de la fontaine proche.
L'homme fit compliment à Philippe pour son courage, car ce dernier ne pleura pas, et de sa maîtrise de tricycliste. L'enfant retourna à son jeu. Mon voisin me dit, qu'il me connaissait de vue, parce que nous habitions le même immeuble. Son escalier étant situé à angle droit du mien et qu'il m'avait déjà aperçue lorsque j'allais au vide-ordures de mon étage. Lui-même logeait au cinquième et son balcon de cuisine donnant sur la cour commune. Ce lien étant constaté, devant mon étonnement à le voir si assidûment se délasser au parc, à une heure peu habituelle pour un homme de son âge, il répondit à ma curiosité en me précisant : “J'ai été blessé pendant la guerre et je suis pensionné. Je ne travaille pas, mes journées sont longues et j'ai plaisir à regarder les enfants s'ébattre, n'ayant pu en avoir moi-même.”
Il avait l'aspect ouvert et sympathique. Son visage était bruni par le soleil, s'y exposant au jardin tous les jours. Son regard brun se posait franchement sur moi. Ses cheveux châtains clairs étaient coiffés à la mode du moment. Il mesurait approximativement un mètre soixante-dix. Je le rencontrais toujours habillé de façon soignée et sportive.
Mise en confiance par son allure générale et sa conversation, je lui dis que mon mari faisait de la représentation de commerce, que j'élevais mon enfant et ne retravaillais pas pour le moment. Je précisais que nous étions très petitement logés au septième avec notre petit garçon et que je passais le plus clair de mon temps chez maman - qu'il me dit avoir remarqué avec Philippe plusieurs fois – au parc et à promener mon fils. L'heure du goûter ayant sonné, ce dernier revenait vers nous et notre entretien en resta là.
Extrait – page 221
...“Je vous ai observée - car malgré les balades communes, nous continuions à nous vouvoyer - dans vos allées et venues avec votre mari et dans votre vie courante, vous n'avez pas l'air d'être heureuse, ne pourriez-vous vous confier à moi comme à un ami ?”
Je le regardai, son regard était sincère et affectueux, mais j'hésitai. Il est vrai qu'il avait le double de mon âge et aurait pu être mon père, mais je ne sais ce qui me retenait, une impression ténue me venait depuis son regard sur mon fils, il voulait trouver un argument pour pousser un avantage ! ... Je me retins sur le bord des confidences, tout en lui tendant la perche pour le forcer à préciser sa pensée.
-“Ne trouvez-vous pas qu'il y a un risque pour vous-même de vous attacher ainsi à Philippe, lui dis-je !”
Il me regarda longuement, puis appuyant de sa main libre ma tête sur son épaule, il me murmura :
“J'ai de la tendresse pour l'enfant, mais j'éprouve un sentiment beaucoup plus fort pour la mère, ces mots furent suivis d'un silence, puis il ajouta, c'est pourquoi j'aimerais savoir où vous en êtes ?”
Extrait – Pages 224 ...225
je descendis vers le deuxième degré de mon enfer.
En fut-il un réellement ? Parfois, j'en doute, cela n'en eu pas le temps ! J'annonçais en arrivant que j'étais venue parce que je le lui avais promis, mais que mes règles étaient débarquées à l'improviste et que j'étais inaccessible ce soir-là. M'étant habituée, jusqu'à ce jour, à une élégance d'attitude réservée à mon égard, je m'attendais à ce que Marcel, comprenant la situation, me fasse grâce de l'essai prévu. Je souhaitais seulement que, contacts anodins aidant, je me concrétise une opinion sur le bien-fondé de cette expérience.
Quand je repense à cette nuit-là, pour y mettre tant de forme, je n'en avais pas bien envie. Oui, en effet, je crois, que j'étais curieuse d'une nouvelle sensation qui m'aurait émue profondément et épanouie, mais que -j'espérais surtout découvrir le choc merveilleux de l'Amour du cœur et de l’esprit et j'avais déjà l'impression de faire fausse route.
Son ardeur à vouloir concrétiser, au lieu de me faire monter au diapason, produisit sur moi l'effet inverse. Je me disais
-“Il n'y a donc que cela qui compte !”
Extrait – page 229 La mort rode - Déménagement
Au cours de l'évolution, de la maladie de son père, Grégoire et moi-même osâmes, malgré tout, lui demander de mettre les deux chambres de bonne à notre nom, pour que nous puissions obtenir un logement décent. Il était déjà conscient à ce moment-là que la mort le guettait, car il répondit à notre demande :
-“Faites la lettre de renonciation, je la signerai. De toute façon, avait-il ajouté, bientôt, je ne serai plus là et vous auriez fait à votre guise.”
Munis de cette lettre, nous prîmes rendez-vous pour monter notre dossier de demande auprès de la R.I.V.P. Avec un enfant, nous aurions dû obtenir, normalement, un appartement de deux pièces, cuisine, salle de bains et W-C, mais les attributions passaient par une hiérarchie du nombre progressif des pièces. Nous quittions deux chambres, l'organisme ne nous laissa envisager que la perspective d'un studio, nous promettant un logement de trois pièces, par la suite. Nous en acceptâmes l'augure et attendîmes avec impatience l'obtention du studio dans le courant du premier trimestre 1960.
Nous comprîmes rapidement l'astuce de l'organisme bailleur, car tout était à refaire dans ce studio, l'électricité et la peinture étaient lamentables. Si nous voulions, enfin, pouvoir nous laver intégralement et journellement, il était nécessaire d'installer une douche dans la cuisine et un ballon électrique pour l'eau chaude dans les W-C. Ce que nous fîmes, à nos frais.
Extrait – Page 232
Depuis le décès de mon beau-père, j'étais un peu rentrée en grâce auprès de ma belle-mère qui avait apprécié mon aide dans ces moments difficiles et aussi parce que c'était Grégoire qui l'emmenait en voiture, ainsi que Marie-Laure et Michou, avec nous-mêmes, à Gazeran pour les fins de semaine dès les beaux jours. Car Jeannot en âge de conduire, était sous les drapeaux en Algérie lui aussi, deuxième frère à être exposé aux dangers qui perdurèrent...
Les contacts avec Michou s'étaient nettement espacés, jusqu'au jour où il monta embrasser son neveu après son travail et me demanda s'il pouvait venir après le dîner passer un moment. J'eus le tort d'accepter, peut être par curiosité d'un tête-à-tête que nous n'avions plus eu depuis longtemps... Ce n'est pas très clair dans ma mémoire. Avais-je espéré une déclaration d'amour, toujours bercée par l'attente romantique du grand Amour ! ... Le fait est que nous nous retrouvions avec une certaine passion renaissante qui nous incita à concrétiser, ce qui s'était très rarement produit depuis le début. Comme ces autres fois, je jugeais le résultat en ce qui me concernait, négatif. Comme son frère, c'était un rapide, pas assez subtil et ne répondant pas aux critères du bon amant reconnus par Renée. Je me jurais que puisque l'Amour n'était pas présent dans cet acte, il fallait cesser cette liaison dangereuse et ne menant à rien. J'étais maintenant pleinement consciente, après mon aventure avortée avec Marcel, que ma recherche était plus axée sur l'Amour sentimental que physique, même si j'étais tentée de l'utiliser pour chercher la plénitude.
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Copyright by Micheline Schneider Le Brun - Extrait chapitre IX - Un homme à son balcon - Déménagement
"La première et merceilleuse histoire d'Amour du monde ou Halogrammes de deux VIES humaines pour des Entités Divines"
Date de dernière mise à jour : 23/05/2023