La première et merveilleuse histoire d'Amour du monde

Chapitre III - Les fiançailles

Deuxième partie

Extrait – page – 141 – 142 - 143

...Nos parents ne se connaissaient pas et je crois que les siens, peu familiarisés avec les coutumes françaises, considéraient ce protocole avec inquiétude, y ayant échappé du fait de la situation déjà expliquée. Cependant je soupçonnais papa d'avoir une idée derrière la tête pour insister sur une demande en mariage en règle.

A plusieurs occasions, Papa m'avait fait la réflexion que Grégoire n'était pas le garçon qui me convenait, car lui connaissait mes goûts et mes aspirations et il était étonné que je persévère. Tout au fond de moi-même, j'abondais dans son sens, mais ne voulant pas lui avouer que je m'étais donnée des raisons de ne pouvoir me désengager, je lui prétendais qu'il avait tort

 Rendez-vous pris, le père et le fils se présentèrent donc un samedi après-midi pour faire la demande.

Après les présentations et un échange courtois, il fallut bien aborder le sujet qui les amenait là. Le père de Grégoire d'un air gêné dit enfin :

- “Je crois que nos enfants ne nous ont pas demandé nos avis pour se choisir mutuellement, qu'en pensez-vous ?”

 Et là, papa lança l'offensive en disant que pour sa part, il me considérait comme trop jeune, inexpérimentée, n'ayant pas fréquenté d'autres garçons pour comparer. Il affirma qu’il considérait Grégoire comme un brave, gentil et sérieux garçon, mais qu'il pensait que nos goûts étaient très différents, et que des fiançailles un peu longues étaient nécessaires pour nous laisser réfléchir si nos choix réciproques étaient “judicieux”. Il ajouta :                    .
-“Qu'il venait de traverser une période difficile et qu'il n'avait pas de dote à me donner.”

Grégoire était dans ses petits souliers, et ne prononçait pas un mot, comme toujours lorsque son père était présent. Ce dernier dit qu'il comprenait parfaitement les arguments de papa, qu'il m'appréciait dans mon travail et tout de go, ajouta qu’il me trouvait trop bien pour son fils, que lui-même s'était marié sans que des questions de dote n'aient été évoquées - et pour cause - et qu'il jugeait bon, lui aussi, que nous attendions une année ou deux.

Au moment précis où il donnait son jugement sur moi-même par rapport à son fils, je me suis demandée, mais pourquoi ne laisses-tu pas tout tomber ? La honte, du fond de moi-même, resurgit. L’idée de devoir me présenter, un jour, devant l’homme que j'aimerais “de la manière dont j’envisageais l'Amour”, avec le rouge au front d'avoir perdu ma virginité, m'arrêta net.

Quelques dates furent proposées pour les fiançailles et celle du dimanche proche de mon anniversaire fin septembre, fut retenue. La conversation évolua dans divers domaines entre nos deux pères, tout en consommant champagne et petits fours secs. Soudain, je ne sais pourquoi, Malraux fut nommé et je dis que je venais de terminer “La condition humaine”, que cette lecture m'avait étreint les tripes et s'était chargée de me faire voir un certain visage de la vie. Le regard surpris, que le père de Grégoire me jeta, me fit saisir que lui-même venait seulement de comprendre la réflexion de mon propre père sur mes goûts par rapport à ceux de son fils. Voilà qu'il s'insurgeait que je lise ce genre d’ouvrage à mon âge ! J'allais avoir dix-huit ans à l'automne ! Je me dis que son côté Suisse ressortait, qu'il voyait les femmes derrière leur marmite et sans cervelle... Mon sang ne fit qu'un tour, je m’apprêtais à lui répondre vertement, lorsque je surpris le regard éploré de Grégoire qui ne tenait jamais tête à son père. A l'exception de Jérémie qui disait ce qu'il pensait, tout le monde chez eux, courbait l'échine devant lui. C'était mal me connaître, j'étais douce et patiente dans mon travail, mais il ne fallait pas me marcher sur les pieds, mon tempérament colérique de l'enfance reprenait le dessus au quart de tour. Cependant je me calmai, ne voulant pas donner mauvaise impression. Je crois que mon futur beau-père, lut dans la flamme de mon regard ce que j'avais gardé pour moi-même. Il se le tint pour dit à l'avenir et s’abstint de ce genre de réflexion. Je pense aussi que cela ne lui déplaisait pas que l'on montre du caractère.

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Copyright by Micheline Schneider Le Brun - Deuxième partie -  Extraits chapitre II - Les fiançailles

"La première et merveilleuse histoire d'Amour du monde ou Hologrammes de deux VIES humaines pour des Entités Divines"

Date de dernière mise à jour : 09/02/2024

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